La varièt' est réctionnaire #1

L'idéologie et les concepts bourgeois se nichent partout, y compris là où on les attends le moins. Posé comme ça, ça fait légèrement paranoïaque.
Mais. Mais on peut le prouver, on a un exemple: armé de son Vaneigem, d'un paquet de malhonnêteté intellectuelle et ayant vaguement relu Barthes, le Courant vous propose une vision démystifiante de..."Il y a trop de gens qui t'aiment" d'Hélene Segara (on vous a même mis le clip en bas, c'est pour la science pardon).

En bon crypto-marxiste, nous laisserons un peu la stylistique de côté. Pas uniquement parce que c'est une préoccupation petite-bourgeoise et secondaire, mais aussi parce que vu qu'on va pourrir le fond de la chanson, ça serait mesquin de s'attaquer en plus à la forme.

Tout d'abord, resituons le propos: le sujet qui s'exprime (appelons-le H pour des raisons évidentes) est amoureux de l'objet O. Mais O s'en fout. On notera l'originalité extrême de l’intrigue en passant.
Ce qui est intéressant, c'est la vision que H a de O. Celle ci est d'emblée placée sous le signe de la possessivité ("Il y a trop de gens qui t'aiment"). N'ayons pas peur des mots, ça sent le capitalisme affectif. On s'explique:
Le problème n'est pas que O soit aimé, mais trop aimé, par "les gens" (on ne peut guére faire plus indéfini), bref O, du point de vue de H n'est PAS ASSEZ RARE. La valeur relative à la rareté, n'est-ce pas là un concept capitaliste?
Et H de "regarder [O] parler avec les gens" comme d'autres zieuterais un champ pétrolifère où un gisement d'uranium.

Mais cela va plus loin. Car H va au bout de sa logique:pour être futur propriétaire, il faut que O, objet d'étude ici soit un objet tout court, une chose, une marchandise en somme. On appelle ce processus la réification (je le dis pour les coco de bases qui n'auraient pas lu Debord et voudrait briller dans les diners de l'ultra gauche).
Cela passe par deux processus. Tout d'abord l' "ectoplasmisation" de O: "Tu me sembles si léger même transparent". Mais ce n'est pas le pire, notre fantomatique O se voit aussi réduit à la minorité, à l'enfance. Le vers "Mais je n'peux pas t'empêcher d'être un enfant" est des plus explicite, H se place, malgré le fait que ce soit lui le désirant, en position de supériorité. Pour ce faire, H infantilise O, reproduisant sans vergogne le schéma de domination familiale séculaire que l'Ordre Moral, fils du mariage batard de la bourgeoisie triomphante avec les "valeurs" moisies du christianisme (le tout soupoudré d'un reste d'organisation féodale archaïque parce que ça fait joli).

Comble de la dégradation et du rabaissement, H en décrivant O "[faisant] de grands gestes, [ayant] l'air si content" instille sournoisement l'idée d'une déficience mentale de O, le ramenant au final à un état d'ectoplasme de maternelle un peu attardé. C'est répugnant (ce que O subit, hein, me faites pas dire ce que je n'ai pas dit).

Et notre infortunée H, victime de ses constructions mentales réactionnaires, de se morfondre dans une souffrance de Cendrillon (" J'regarde passer les jours, la vie en me disant/ Je n'cherche pas l'amour, je m'y attends").Dans le même mouvement où H dématérialise O, H se fige dans une atitude comtemplative douloureuse ("J'te regarde t'amuser et je fais semblant", "Tu vois des fois j'déteste ce que je ressens"). H se morfond, parce que sa vision archaïque des rapports amoureux est délétère. C'est là la rançon de l'intégration des schémas bourgeois: souffrir, triste comme une pierre en observant l’œil morne et larmoyant un semi-mongolien de 5 ans à peine solide.

On conseillera donc à H de faire éclater ces carcans moralistes dépassés, nous lui prescrivons (encore qu'on déteste ces derniers) la fréquentation de hippies, avec lesquelles ce pauvre sujet pourra se rouler dans l'herbe et la luxure, se défaisant des chaines de la société de consommation amoureuse (et en attrapant des tiques et des MST, mais ça pique moins que l'aliénation).